dimanche 20 décembre 2015

Parler de l'école à Madagascar à des enfants de 12 ans vivant en France

Au collège de Trignac, près de Saint Nazaire. Cours d'histoire-géo de 5e, sur le droit à l'éducation. Je suis invitée par ma collègue dans sa classe, pour répondre aux questions des élèves, en fonction de ce que je connais sur la situation malgache...
Après avoir situé Madagascar sur un planisphère, rappelé que c'est un pays plus grand que la France, et que les réalités sont donc différentes d'une région à une autre, nous discutons de ce que cela veut dire "pays pauvre" : pour les élèves, tout le monde est pauvre et en haillon... Les photos permettent de montrer qu'il ne peut pas y avoir de généralisation. Il y a des gens riches à Madagascar, et il y a des richesses dans l'île : pierres précises, métaux, vanille, et autres plantes utilisées en pharmacie ou parfumerie. Malgré tout, nous essayons d'imaginer ce que cela représente : 85 % de la population vit avec mois de 2€ /jour. J'explique que certains vivent même avec moins de 1€/ jour.



Sortie d'école à midi, sur la RN7


C'est le point de départ pour parler du taux de scolarisation : aujourd'hui, 75% des enfants d'âge primaire sont scolarisés. Si ce taux est supérieur à d'autres pays africains, il est important de se rendre compte qu'il a régressé depuis 2009. En 2009, 83% des enfants d'âge primaires étaient scolarisés. La crise économique et politique a des conséquences directes sur la vie des enfants. A 12 ans, l'âge des élèves que j'ai en face de moi, 99% des enfants sont scolarisés en France. A Madagascar, c'est entre 24% et 30 % .
Nous avons donc parlé de ce que font les enfants qui ne vont pas à l'école : s'ils n'y vont pas, c'est par manque d'argent et parce qu'il faut que chacun travaille. Ces enfants font des travaux souvent pénibles, sont embauchés à la journée. Aucune certitude de ce que sera le lendemain... Porter des charges lourdes, travailler dans les rizières ou dans les champs, tenter de récupérer quelques ariary avec des objets jetés dans les poubelles... Non, les enfants qui ne vont pas à l'école n'ont pas de la chance, comme je l'ai entendu ! Ils ne jouent pas à la console ou sur leur smartphone !
J'ai aussi parlé des enfants du centre Handri, qui sont scolarisés grâce aux parrainages, et qui sont très investis dans leur scolarité : quel sens cela a-t-il, pour ces enfants, d'aller à l'école ? "Avoir un bon métier", "avoir un bon salaire" me répond-on. Oui, mais pas seulement : aider les autres et aider le pays à se développer. Pouvoir choisir sa vie.

En voyant des photos de paysage, nous avons évoqué le fait qu'aller à l'école, c'est aussi avoir une vision plus large sur les questions environnementales par exemple. Photo de terres brûlées, de lavaka : la protection de l'île passera par l'éducation de ses enfants.

EPP près du Canal des Pangalanes

Une des écoles où vont les enfants du centre Handri, près de Tana

Peut-être parce que dans l'Ouest de la France la question école publique / école privée est très présente, les élèves m'ont aussi demandé s'il y avait un système scolaire public : nous avons donc parlé de qualité de l'enseignement, qui est une donnée importante. Et c'est un des soucis à Madagascar : manque de formation, manque de rémunération, l'enseignement public n'est pas d'une grande qualité ! Dès que les familles ont un peu d'argent, elles scolarisent leurs enfants dans le privé, qui est très développé et très hiérarchisé. Les écolages peuvent aller de 30€/ an à 300€ / mois au lycée français d'Antananarivo. Évidemment, les enseignants (dans les EPP, les enseignants étaient recrutés avec un niveau 5e), les conditions matérielles (matériel scolaire, nombre d'enfants par classe, ...) ne sont pas les mêmes ! Et à 70 élèves par classe, on ne parle pas d'aide individualisée.
Ces échanges sont riches, ils permettent de donner du sens à ce qui est appris en classe.

Pour les enfants en France, l'école est une évidence, et souvent une contrainte. Se décentrer un peu, travailler sur les préjugés, parler de solidarité... Quand la sonnerie a retenti, un grand gaillard, m'a dit "on continue, après la récré ?"