Aujourd'hui, j'ai mangé un yaourt. Mon seul yaourt du voyage.
Pendant longtemps, j'en ai mangé un chaque matin. Mais à
Madagascar, un yaourt, ce n'est pas rien ! D'abord, parce qu'il
n'y a plus de produits Tiko : l'ancien président, Marc
Ravalomanana avait inondé le marché, mais il a été exproprié de
ses entreprises après le coup d'état de 2009. Ensuite, parce qu'on
trouve facilement des yaourts faits maison... avec mon estomac de
vasaha, c'est une expérience que je n'ai pas osé tenter. Les
yaourts sont faits dans des boîtes plastiques lavées à l'eau, et
l'eau n'est pas toujours potable. La fermentation se fait en mettant
les boîtes au soleil toute la journée. Les yaourts sont ensuite
stockés dans des glacières ou des frigos, mais il y des délestages
fréquents, même à Tana...
Ce jeudi après-midi, il fait beau, je suis au Centre avec
Rachelle et Vanessa. Hanta et Bertrand ont des obligations familiales
en ville, les autres internes sont à l'école ou dans leurs familles
pour les vacances. Rachelle est étudiante en droit par
correspondance, elle est donc à la maison la plupart du temps.
Vanessa, elle, est en vacances, mais n'a pas de famille. Elle vit
donc en permanence au Centre.
Les deux demoiselles ont pour mission de s'occuper de moi et de
travailler leur français !
Rachelle et moi nous installons à l'une des tables dans la salle
d'étude pendant que Vanessa regarde des dessins animés sur Youtube.
Je dois aider Rachelle à rédiger un devoir en droit des
assurances... Son principal problème, m'explique-t-elle, est en
méthodologie. Ça tombe bien : je ne connais rien en droit, et
mes connaissances en assurance sont celles d'une assurée lambda, qui
appelle la MAIF une fois tous les 5 ans ! Nous passons ensuite à
une analyse de textes sur la fiscalité des entreprises publiques...
Heureusement je sais construire une dissertation, on arrive donc à
s'en sortir, après deux heures de travail intense.
Comme l'ordinateur est allumé, je propose de montrer aux filles
la ville où j'habite : nous regardons des photos de Saint
Nazaire. Les chantiers navals, avec les paquebots en construction les
laissent pantoises...
Il est temps de se faire une balade dans le quartier si nous
voulons profiter du soleil. C'est l'inconvénient des voyages à Mada
en juillet, le soleil se couche à 17h30. Nous nous promenons,
passons devant les écoles des enfants : l'une d'elles s'appelle
Les Nounours ! Je reconnais certains lieux, une église, le
marché, la place principale, terminus des bus à Itaosy Cité. C'est
une sensation agréable, l'impression d'être un peu chez moi, aussi.
Ici, j'ai mes repères, j'ai eu des habitudes. La rue est animée, il
y a des gargotes, des marchands, des boutiques. Je propose aux filles
de leur offrir un goûter, pour profiter encore de ce moment partagé,
et les laisse choisir ce qu'elles veulent manger. Je les vois
échanger des regards, les yeux de Vanessa pétillent : « un
yaourt », chuchotent-elles !
Aucune pensée pour la chaîne du froid, je savoure :
Socolait, saveur vanille !
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