Le code de l'indigénat à Madagascar
(d'après un article de Jean Fremigacci, dans la revue Outre-Mers, T.101; n° 378- 379, année 2013)
Pour rappel : en 1896, la France décrète que Madagascar est une possession française. Le Gouverneur Général Galliéni destitue la reine Ranavalona III en janvier 1897. Mais la "pacification", c'est-à-dire la lutte armée pour maîtriser le territoire n'est pas encore terminée : elle le sera officiellement en 1902.
En 1901, Galliéni prend un arrêté qui institue dans l'île un "code de l'indigénat" inspiré de celui appliqué au Sénégal. Ce code rassemble des mesures d'exception qui le font sortir de l'orbite des principes du Droit français : pour cette raison, il est censé être transitoire. En réalité, il ne sera aboli que trop tardivement, en 1945 - 1946.
S'il a subi quelques modifications au fil des décennies et du renouvellement des Gouverneurs Généraux, ainsi que des tendances politiques au pouvoir dans la métropole, il a tout du long un seul objectif : assurer la domination de la France.
Contenu :
Pour commencer, les indigènes sont définis par la négative, comme des personnes nées à Madagascar et "n'ayant pas la qualité de citoyens français." La formule évite de parler de "sujets" de la France, ce qui serait fâcheux pour la République...
Une partie des prescriptions du code de 1901 vise à remodeler les usages et les croyances de la société : les sépultures en dehors d'enclos destinés à cet usage sont interdites, la culture sur tavy (brûlis) est prohibée, les soins traditionnels sont punis comme "exercice illégal de la médecine" ou pratiques de sorcellerie.
Si certaines de ces infractions disparaissent par la suite, il restera toujours le même noyau dur autour de :
- la liberté d'expression : sont considérés comme infraction "le refus de fournir les renseignements demandés" et "les actes irrespectueux ou propos offensants vis-à-vis d'un représentant ou d'un agent de l'autorité; les propos tenus contre la France et son gouvernement".
- la liberté de réunion : les Malgaches doivent demander une autorisation pour leurs cérémonies, leurs funérailles, leurs grands repas. Toute réunion de plus de 25 hommes est interdite. Il est interdit de faire des quêtes ou des souscriptions, ce qui permettra de sanctionner les mouvements anti-coloniaux : les premiers d'entre eux seront inculpés pour escroquerie pour avoir prélevé des cotisations.
- la liberté de circulation : le vagabondage est sanctionné, ainsi que l'habitat isolé. Un "passeport" est établi, que les indigènes doivent faire viser lorsqu'ils changent de lieu de résidence ou de travail.
- la notion de responsabilité collective : le colonisateur impose l'organisation en "fokonolana" ( que l'on pourrait traduire par "commune" ou "canton" peut-être), qui n'existait auparavant que dans la région Merina, et s'en sert comme relais pour la sécurité du territoire, ainsi que pour la perception de l'impôt. Cette organisation est assortie de la notion de "responsabilité collective", hors de l'orbite du Droit français qui ne reconnaît que la responsabilité individuelle : cela donne la possibilité de sanctionner le fokonolana en cas de défaillances de ses membres, voire d'en emprisonner le chef.
Cependant, d'après Jean Fremigacci, le code n'aurait jamais été appliqué intégralement, par manque de moyens et grâce à la capacité de "résistance passive" du peuple malgache. Le totalitarisme aurait ainsi été évité dans la colonie. Il n'en reste pas moins que ce code offrait des outils pratiques aux tyranneaux potentiels.
in Jean Fremigacci, Madagascar à l'époque coloniale |
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